3I/ATLAS présente une polarisation négative sans précédent, différente de toute comète ou astéroïde connu
Les premières observations polarimétriques révèlent que la comète interstellaire 3I/ATLAS présente la polarisation négative la plus profonde jamais enregistrée pour un objet du Système solaire, suggérant des particules de poussière formées dans des conditions fondamentalement différentes de celles de notre propre système planétaire.
Une signature optique unique
Dans une découverte révolutionnaire publiée dans The Astrophysical Journal Letters, une équipe internationale d'astronomes a révélé que la comète interstellaire 3I/ATLAS présente une branche de polarisation négative profonde et étroite, atteignant une valeur minimale de -2.7% à un angle de phase de 7°, avec un angle d'inversion de seulement 17°.
Cette combinaison est sans précédent parmi les astéroïdes et les comètes—y compris le précédent visiteur interstellaire 2I/Borisov—faisant de 3I/ATLAS le premier objet céleste connu présentant un comportement polarimétrique aussi extrême. Les mesures ont été obtenues à l'aide de l'instrument FORS2 du Very Large Telescope de l'ESO, d'ALFOSC au Nordic Optical Telescope et de FoReRo2 à l'Observatoire RCC.
Ce qui rend cette découverte extraordinaire
« La profondeur de la branche de polarisation négative est presque deux fois supérieure à celle des rares astéroïdes de type F et des noyaux cométaires », explique l'équipe de recherche. « Bien que l'angle d'inversion de 3I/ATLAS ressemble à celui de certains petits objets transneptuniens, sa polarisation négative est sans précédent. »
Cette anomalie signifie que les particules de poussière autour de 3I/ATLAS doivent être fondamentalement différentes des grains libérés par les comètes familières—peut-être avec des textures très fines, des structures en couches ou des compositions façonnées dans un environnement très éloigné du nôtre.
Comprendre la polarisation de la lumière dans les comètes
Lorsque la lumière solaire se diffuse sur les particules de poussière dans la coma d'une comète, la lumière réfléchie devient partiellement polarisée—ses ondes électromagnétiques vibrent préférentiellement dans certaines directions. Le degré et la direction de cette polarisation dépendent de la taille, de la forme, de la composition et de la structure des grains de poussière.
À de petits angles de phase (l'angle entre le Soleil, la comète et l'observateur), la plupart des comètes présentent une « polarisation négative », où la lumière vibre davantage parallèlement au plan de diffusion. À mesure que l'angle de phase augmente, la polarisation passe au positif. L'angle où ce changement se produit est appelé angle d'inversion, et la profondeur du minimum de polarisation négative est un indicateur des propriétés des particules.
Minimum de polarisation
Polarisation négative la plus profonde jamais mesurée pour une comète, se produisant à un angle de phase de 7°
Angle d'inversion
Angle d'inversion inhabituellement bas, similaire à certains objets transneptuniens mais avec une branche négative beaucoup plus profonde
Ni haute ni basse : une nouvelle classe
Les comètes de notre Système solaire se répartissent généralement en deux catégories polarimétriques : les comètes à haute polarisation (avec des branches négatives moins profondes et des angles d'inversion plus élevés) et les comètes à faible polarisation (avec des branches négatives modérées et des angles d'inversion plus bas). Ces catégories reflètent des différences dans les propriétés et la composition des particules de poussière.
3I/ATLAS ne rentre dans aucune de ces catégories. Son comportement polarimétrique est significativement différent de toutes les comètes connues—qu'elles soient interstellaires ou liées au Système solaire. La combinaison d'une polarisation négative extrêmement profonde et d'un angle d'inversion bas représente une signature optique unique jamais observée auparavant.
Comparaison polarimétrique avec d'autres objets
Comètes typiques du Système solaire
Polarisation négative : -1% à -1.5% | Angle d'inversion : 18-22°
2I/Borisov (comète interstellaire précédente)
Polarisation négative : ~-1.2% | Angle d'inversion : ~21° (similaire aux comètes du Système solaire)
Astéroïdes de type F et noyaux cométaires
Polarisation négative : ~-1.4% | Angle d'inversion : 17-18°
Objets transneptuniens (Pholus)
Angles d'inversion bas avec surfaces rouges, possiblement contenant de la glace d'eau
3I/ATLAS (cette découverte)
Polarisation négative : -2.7% (sans précédent) | Angle d'inversion : 17° (combinaison unique)
Ce que révèle la poussière
La polarisation négative extrême indique aux scientifiques que les particules de poussière de 3I/ATLAS possèdent des propriétés optiques inhabituelles. Plusieurs possibilités ont été proposées :
- Textures de grains ultra-fines : Particules avec des surfaces plus lisses ou plus rugueuses que la poussière cométaire typique à des échelles microscopiques
- Structures en couches ou complexes : Grains de poussière avec plusieurs couches compositionnelles ou agrégats avec une géométrie interne inhabituelle
- Compositions exotiques : Mélanges de matériaux ou assemblages minéraux peu courants dans les comètes du Système solaire
- Indicateurs d'environnement de formation : Signatures de températures, pressions ou conditions chimiques absentes du disque protoplanétaire de notre Système solaire
L'équipe de recherche note qu'à de très petits angles de phase, la pente extrapolée de la courbe de phase de polarisation est cohérente avec certains petits objets transneptuniens et le Centaure Pholus—des objets connus pour avoir des surfaces rouges, possiblement contenant de la glace d'eau. Cela fournit un soutien indépendant aux preuves spectroscopiques suggérant que 3I/ATLAS pourrait avoir une composition de surface rouge.
Implications pour la formation planétaire
La découverte ajoute à un corpus croissant de preuves que 3I/ATLAS s'est formée dans des conditions très différentes par rapport aux objets de notre Système solaire. Alors que 2I/Borisov semblait remarquablement similaire aux comètes du Système solaire à bien des égards, 3I/ATLAS continue de révéler des différences fondamentales :
Anomalies clés de 3I/ATLAS
- 1. Polarisation négative extrême (-2.7%) sans précédent parmi les comètes
- 2. Production d'eau exceptionnelle depuis une distance de 2.9 UA (voir article sur la détection d'eau)
- 3. Couleur rouge inhabituelle similaire aux objets du Système solaire externe
- 4. Niveau d'activité de surface (≥8%) presque le double des comètes typiques
- 5. Âge possiblement de plusieurs milliards d'années supérieur au Système solaire (estimé à 7+ milliards d'années)
- 6. Trajectoire suggérant une origine d'une pouponnière stellaire extrêmement lointaine
« La profondeur de cette polarisation négative suggère que la poussière de 3I/ATLAS s'est formée dans un environnement avec des conditions très différentes de celles de notre Système solaire », note l'équipe de recherche. « Peut-être que la température, l'environnement de rayonnement ou la composition chimique de son système stellaire parent a créé des grains de poussière avec des propriétés que nous ne voyons tout simplement pas dans les comètes formées autour de notre Soleil. »
Campagne d'observation
Les observations polarimétriques ont été obtenues avant le périhélie sur une plage d'angles de phase de 7.7° à 22.4° à l'aide de certains des instruments les plus sophistiqués au monde :
FORS2/VLT
Réducteur focal et spectrographe à basse dispersion au Very Large Telescope de l'ESO, Chili
ALFOSC/NOT
Spectrographe et caméra pour objets faibles d'Alhambra au Nordic Optical Telescope, La Palma
FoReRo2/RCC
Réducteur focal et caméra Roschin à l'Observatoire RCC
Les observations ont nécessité un étalonnage photométrique extrêmement soigneux et plusieurs époques d'observation pour cartographier la courbe de phase de polarisation avec une précision suffisante pour révéler ce comportement sans précédent.
Périhélie et études en cours
3I/ATLAS a atteint son périhélie (son approche la plus proche du Soleil) aujourd'hui, le 29 octobre 2025, à une distance de 1.357 UA (203 millions de kilomètres). Cela marque le pic d'activité de la comète, lorsque le chauffage solaire est le plus fort et que les taux de dégazage atteignent leur maximum.
Les observations post-périhélie seront cruciales pour comprendre si les propriétés polarimétriques changent à mesure que l'activité de la comète évolue. Le réseau international d'alerte aux astéroïdes (IAWN) a lancé une campagne du 27 novembre 2025 au 27 janvier 2026 pour coordonner les observations et améliorer le suivi astrométrique de ce visiteur interstellaire unique.
Fenêtres d'observation à venir
Chaque visiteur interstellaire raconte une histoire différente
Les trois objets interstellaires confirmés découverts à ce jour—1I/'Oumuamua, 2I/Borisov et 3I/ATLAS—se sont révélés radicalement différents les uns des autres, remettant en question notre compréhension de ce que pourraient être les objets interstellaires « typiques » :
1I/'Oumuamua était remarquablement sec sans coma ni queue détectée, présentait une accélération non gravitationnelle d'origine inconnue, et avait une forme allongée ou en forme de crêpe inhabituelle qui continue de susciter des débats sur sa nature.
2I/Borisov semblait rassurante familière—une comète « normale » riche en monoxyde de carbone avec une composition et un comportement similaires aux comètes des régions externes de notre propre Système solaire. Sa découverte suggérait initialement que les comètes interstellaires pourraient ne pas être si différentes des nôtres.
3I/ATLAS a brisé cette hypothèse avec sa polarisation négative sans précédent, sa production d'eau exceptionnelle à des distances inhabituelles, son activité de surface élevée et de multiples anomalies suggérant des conditions de formation absentes de notre Système solaire.
La diversité des systèmes planétaires
« Chaque visiteur interstellaire s'avérant radicalement différent du précédent, nous apprenons que les systèmes planétaires peuvent produire une diversité remarquable d'objets », explique l'équipe de recherche. « La polarisation négative extrême de 3I/ATLAS s'ajoute aux preuves que les conditions dans d'autres systèmes stellaires—les températures, compositions, environnements de rayonnement et échelles de temps—peuvent différer fondamentalement de ce que nous voyons dans notre propre voisinage solaire. »
À mesure que nous continuons à découvrir et à étudier davantage de visiteurs interstellaires, chacun fournira des indices uniques sur les processus de formation planétaire opérant dans notre galaxie.
Publication scientifique et disponibilité des données
Les résultats complets de la recherche sont disponibles dans l'article évalué par les pairs « Extreme Negative Polarisation of New Interstellar Comet 3I/ATLAS » publié dans The Astrophysical Journal Letters (arXiv:2509.05181). L'article présente la courbe de phase polarimétrique complète, une analyse détaillée des propriétés des grains de poussière et une comparaison avec tous les objets connus du Système solaire et interstellaires.
Les observations et l'analyse représentent un effort coordonné d'astronomes de plusieurs institutions et installations, démontrant la collaboration internationale nécessaire pour caractériser pleinement ces rares visiteurs interstellaires lors de leur bref passage dans notre Système solaire.